Denis Polge
Denis Polge
France
Né en 1972
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Après avoir mené des études de cinéma et de philosophie, Denis Polge a suivi l’enseignement de l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il mène depuis plus de dix ans une carrière indépendante et a exposé dans de nombreuses galeries en France et à l’étranger. Il a également publié plusieurs livres - Les eaux dormantes, (Le Promeneur/Gallimard, 2007) et Autres rives (Le Promeneur/Gallimard, 2009)- ainsi que des ouvrages au tirage limité. Denis Polge est né à Grasse en 1972.
œuvres d'art
sculpture
peinture

A Fleur de Papier

Patrick Mauriès, 2004

 

 Qu’y a-t-il de moins actuel qu’un miniaturiste, et de plus incongru – pour ne pas dire artistiquement incorrect – qu’un jeune miniaturiste ? L’époque est au trait appuyé, à la surcharge émotionnelle, aux proportions exagérées, au forçage généralisé, à la démesure de principes. Nous n’avons plus de place pour la minutie que du côté de la mignardise ou du désuet, des porcelaines et des fragiles lames d’ivoire.

Indifférent à l’ordre du jour, et à ses partages simplistes, Denis Polge a choisi de réévaluer, par tout un aspect de son travail (un parmi d’autres, c’est ce qui en fait le prix), cette dimension oubliée, méprisée : il aime ce qui, en elle, contraint la main, induit un certain type de regard, pousse pour ainsi dire la contemplation aux extrêmes. Il aime cette dimension qui est autant celle de Fouquet que de Jean Hugo, des artistes persans que de Louis-Léopold Boilly (il est aussi un remarquable portraitiste).

Mais il la plie bien évidemment à son propre usage. Il l’inscrit dans sa géométrie particulière (qui s’applique aussi bien aux quelques centimètres d’une feuille de papier qu’aux larges panneaux d’un paravent). Son espace est pour ainsi dire suspendu : ni abstrait ni illusionniste ; comme chez les Persans, des fragments de réalité se posent à même une roche escarpée ; des nuages filent sur un plan abstrait ; des murs se croisent comme des angles de papier ; la perspective bascule comme dans les pavillons « à toits enlevés » des Japonais.

Citations résolues ou simples échos, évocations et images du monde flottant se déposent comme un film translucide à fleur de papier (dont il aime le grain, la souplesse) ou de soie, légèrement lavée. Ces réalités se superposent, se juxtaposent, glissent les unes sur les autres, comme pourraient le faire les éléments d’un collage ; mais il ne s’agit que de l’apparence ou du fantôme d’un collage, d’un collage proprement réinventé. Ces compositions impossibles, ces espaces « incompossibles », comme aurait dit Leibniz, retrouveraient toute la liberté de l’arabesque, et la légèreté du mobile ; elles auraient pour donnée essentielle d’échapper à toute pesanteur (cette pesanteur à laquelle cède, emblème contraire, l’oiseau mort, thème récurrent chez Denis Polge), et d’obéir à leurs seules lois : celles d’une pondération mystérieuse, celle de l’imaginaire.

 

Patrick Mauriès est directeur de la collection Le promeneur chez Gallimard. Il est écrivain, spécialiste de littérature anglaise, de la mode, des arts décoratifs du 20ème siècle…

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