"J’appréhende le dessin comme un aveugle l’espace, la matière, l’univers labyrinthique, en me tenant à mon crayon comme à un bâton. Un aveugle, qui, à l’image de Tirésias dans un rituel prophétique, tenterait de transcrire le champ visuel que sourd toute son intériorité."
Stéphanie Sautenet
France
" Après un passage sans conviction aux Beaux-arts (Tours, Avignon), j’ai commencé à imaginer une sorte de narration visuelle et onirique à travers le collage et la réalisation de « livres muets ». Puis ma création personnelle s’est essentiellement axée sur le dessin aux crayons de couleur ou à l’encre de chine. J’ai par ailleurs élargi le questionnement de l’être par l’art en étudiant l’art-thérapie au sein de l’institut de Jean-Pierre Klein (l’INECAT). Cet enseignement m’a permis d’accompagner des personnes en souffrance dans leur propre cheminement plastique et symbolique (en psychiatrie, psychogériatrie et addictologie) pendant quelques dizaines d’années.
J’appréhende le dessin comme un aveugle l’espace, la matière, l’univers labyrinthique, en me tenant à mon crayon comme à un bâton. Un aveugle, qui, à l’image de Tirésias dans un rituel prophétique, tenterait de transcrire le champ visuel que sourd toute son intériorité.
L’outil, le « stylet », tel un prolongement de la main ou une hybridation du corps, fait écho selon moi au caducée d’Hermès, ce dieu psychopompe. Chaque dessin est la trace de ce voyage entre le monde des vivants et des morts, entre Eros et Thanatos, le Réel et le Symbolique.
L’art et la mort sont à mon sens inextricablement liés. Comme le soutenait Jean Genet en observant les sculptures de Giacometti, « l’œuvre n’est pas destinée aux générations enfants » ; « toute œuvre d’art (…) doit avec une patience infinie, depuis les moments de son élaboration, descendre les millénaires, rejoindre s’il se peut l’immémoriale nuit peuplée de morts… » !
Toute image, tout dessin est un masque, une fenêtre ouverte sur la mort.
Après le Recueil de sorcières (galerie A. Dettinger, 2011) inspiré d’un de mes livres en collage réalisé sur un vieux cahier d’école de sciences , La vie des saints (galerie A. Dettinger, 2014), une parodie hallucinée de l’iconographie religieuse qui hante nos livres d’art, la série Ailleurs fait état d’un virage, la rencontre avec le chamanisme.
La création est une transe, une brèche spatio-temporelle et procède du même mouvement que le chamanisme. Il y a nécessité, comme un irrévocable désir de mettre à jour des présences invisibles, occultées. C’est une ouverture vers un autre langage où tous les règnes (minéral, végétal, animal,...), tous les éléments s’expriment.
Les séries Bacchanales et jeux pythiques et le prisme du daïmôn (galerie B.Soulié, 2017) sont un plongeon dans le chamanisme et les visions hallucinées au tambour (soin, extraction, recouvrement d’âme, travail psychopompe,…). Je me laisse traverser par la symbolique hermétique des esprits, les nôtres et ceux des guides.
J’ai réalisé ensuite des petits livres graphiques édités par les Crocs électriques : Sans s’effleurir, Conte sans foi ni loi, Gris Moires ; ce qui m’a permis de renouer avec le livre-muet, jusqu’à Impudicus où la parole s’est dénouée au travers de rêves.
Puis j’ai décidé d’arrêter de travailler en psy & addicto pour me consacrer à l’art. Suivent alors l’expositon Planète Animalice, puis le livre méli-mélo OoZ (un Zoo à l’envers) et une série érotique, Sève montante et descendante, le Tarot hermérotique en contrepoint à la sinistrose."
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